
Maguette Dione, la Celia Cruz sénégalaise. La seule femme qui chante la Salsa au Sénégal. «La primer mujera de la musica cubana senégalesa». Une phrase qu’elle dit fièrement. Native de Thiès et sérère bon tient, Maguette Dione tient dans sa besace 15 ans de musique. Du «Retro- sound» de Thiès au Fouquet’s, en passant par l’orchestre de Nicolas Menhem, Maguette fait de la musique un gagne pain. Seulement, son rêve va être vite ralenti par le chantage. Une conséquence de ses formes généreuses.
Source : L'Observateur
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de la musique.
Pour subvenir à mes besoins et ceux de mes enfants. J’entretiens ma famille. Car depuis le bas âge, la musique m’a toujours intéressé. Je chantais à tout bout de champs. Et je voyais aussi mes frères écouter ce genre de musique. Cela m’a plu. Il faut comprendre que cette musique est celle de ma génération. Même à l’école, lors de nos évaluations, ma meilleure note je l’obtenais en chant. Donc, mon père me disait que le meilleur chanteur dans une classe, c’est le plus nul. Mais c’est le destin qui en avait décidé ainsi pour moi. Il faut comprendre que je m’étais mariée très tôt, à l’âge de 17 ans. Mais j’ai perdu mon mari. Seulement, à l’école, j’étais la chargée de l’organisation pour tout ce qui concerne les festivités. Un jour, j’ai invité chez moi le Rétro-sound de Thiès, avec un professeur de musique du nom de Bandy Sow, qui est aujourd’hui décédé. Pour les accueillir, j’ai chanté «Woulikoro», une vieille chanson mandingue. Automatiquement, le professeur de musique a sursauté et m’a dit : «Tiens, vous avez une belle voix». Il m’a demandé de travailler ma voix. Alors, il m’a invité à leur répétition. Par la suite, il m’a demandé si je pouvais chanter d’autres chansons. Je lui réponds par l’affirmative en lui chantant la «Bicycletta» et «En el bayo». Mais il faut comprendre que j’étais avant tout un amateur et j’apprenais les chansons cubaines sur le tas.
Vous débuts dans le domaine professionnel?
C’est en 1995 que je débarque à Dakar pour faire ma carrière musicale. Un passage de ma vie qui m’a beaucoup marquée. J’ai eu à rencontrer pas mal d’obstacles. Sitôt arrivée à Dakar, j’ai fait deux accidents au même endroit. J’ai été hospitalisée pendant neuf mois à l’hôpital Principal de Dakar. J’étais immobilisée et souffrais énormément. Mais la vie continue, car je crois au Bon Dieu. Et cela ne m’a pas empêché de vaguer à mes occupations. J’ai beaucoup galéré dans la musique, je ne le cache pas. J’ai tellement souffert dans cette vie à cause de la musique !
Pourquoi avez-vous choisi la Salsa et pas d’autres genres musicaux ?
Cette musique est celle de ma génération. Quand j’étais petite, je voyais mes frères danser cette musique. J’ai beaucoup apprécié et je me disais souvent que c’est cette musique que je voudrais faire.
Vous avez arrêté vos études en quelle classe?
La 5ème secondaire, et j’ai été renvoyé. Mes parents n’étaient pas d’accord pour que je fasse de la musique. D’ailleurs, quand j’ai eu à faire mes nombreux accidents, ils disaient que ce sont les conséquences de ma désobéissance.
Seule dans le milieu, n’êtes-vous pas victimes de discrimination?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, on m’a fait beaucoup de mal dans cette vie. Tout cela à cause de la musique. Si vous n’avez personne sur qui compter, personne ne vous aide. C’est difficile. Les gens ne sont pas sincères. Ils ne vous aident pas parce qu’ils doivent le faire. Non, ils le font parce qu’ils veulent quelque chose de toi. Les musiciens, je n’ai aucun problème avec eux. Ce sont mes frères. Le problème, ce sont les bandits qui disent vouloir vous soutenir, alors que c’est totalement faux. Ils attendent toujours quelque chose en retour.
Comme quoi ?
J’ai subi pas mal de chantages dans le milieu du showbiz. A chaque fois que l’on me met en rapport avec un producteur, cela se termine par un fiasco. Je suis digne. Mon sang n’accepte même pas les chantages. Cela m’est insupportable. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas beaucoup évolué dans la musique. Je suis très en retard par rapport aux autres, car je n’accepterai jamais qu’on me fasse chanter. Je ne peux pas mélanger le sexe et le travail. Parce que ma vie professionnelle n’a rien à voir avec mon travail. C’est ce qui m’a le plus retardée dans la musique. Je ne veux pas qu’on me fasse chanter, prétextant qu’ils veulent m’aider à percer dans la musique. Les gens qui sont dans le showbiz ne sont pas sérieux. Ils usent de tous les moyens pour te faire chanter. Une chose que je n’accepterai jamais dans ma vie. J’ai foi en Dieu et je me dit que si je dois un jour percer dans la musique, ce sera par la voie légale. Je prie le Bon Dieu qu’un jour mes efforts soient récompensés. Même si c’est pour un seul jour, Dieu m’aidera. Et puis, je suis contre les gens qui disent que la femme ne doit pas faire certains boulots. Je ne suis pas d’accord. C’est totalement faux. Mais je peux dire que mes prières ont été acceptées par le Tout Puissant. Car je sors mon premier produit.
Ces chantages ne sont-ils pas dus à vos formes généreuses ?
Je suis une créature de Dieu. C’est le Tout Puissant qui m’a créée ainsi. Je n’y peux rien. Mais ce n’est pas une raison pour que je me livre à n’importe qui. D’ailleurs, je ne montre même pas mes rondeurs à tout moment. J’ai eu pas mal de problèmes à cause de mes rondeurs. Parfois des gens te promettent de t’aider et à la dernière minute, ils se désistent. Tout simplement parce que ce que tu refuses leurs avances. Certains préfèrent me payer des miettes, que je refuse catégoriquement.
Donc depuis que vous avez débuté votre carrière musicale, vous n’avez jamais sorti un produit ?
Si. Avec Nicolas Menhen. dans ses deux cassettes, j’ai chanté El «Portérico» et «El divorsio».
Vous êtes vous remariée?
Non, je suis toujours veuve.
Et vous n’avez pas cherché à vous remarier?
Je ne voyais pas l’utilité de me remarier. D’autant plus que j’ai de grands enfants. Ils me tiennent compagnie. Les filles font tout pour moi. Moi, je vais jouer la nuit ; le jour, je dors jusqu’à 13 heures et je trouve mon repas servi.
On remarque que ceux qui fréquentent ce milieu sont d’un certain âge. C’est dû à quoi ?
Vous savez cette musique était pratiquée par une génération bien précise. La génération des années 60. Mais en amateur. C’était un prestige de savoir danser et chanter la Salsa. Mais quand les gens se sont rendu compte qu’ils pouvaient bien se professionnaliser, la musique a commencé à devenir intéressante. Regardez feu Labah Sosseh, il a fait danser tout le monde. Au Sénégal, les gens pensent que la Salsa, c’est pour la vieille génération. A travers la télé, en regardant les chorégraphies, vous voyez bien qu’un vieux ne peut pas danser cette forme musicale. Car, cela demande beaucoup de tact, mais surtout d’énergie. Au début, c’était la «Pathianga», la «Charanga». Mais maintenant, c’est la Salsa. Aussi, ce sont les musiciens qui entretiennent ce mythe. Car ce sont eux qui dans leurs clips, le plus souvent, au lieu d’inviter les jeunes, préfèrent s’entourer de vieux. Et les jeunes, en voyant cela, pensent que c’est une musique pour la vieille génération. Je les exhorte à inviter les jeunes. Actuellement, les jeunes sont intéressés par cette musique. Nos soirées sont fréquentées par la jeune génération.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire