samedi 24 mai 2008

L'argent des émigrés : Une manne financière qui intéresse aussi les banques


Le secteur bancaire prend pied sur un marché dominé par les sociétés spécialisées et les réseaux informels.

Source : La Croix France
Moussa ouvre une enveloppe et en sort une liasse de billets. « J'envoie au moins 200 € par mois à ma famille au Sénégal, explique cet agent d'entretien des espaces verts de Paris, arrivé en France il y a six ans. Je confie parfois l'argent à des amis retournant au Sénégal, mais pour les grosses sommes, je préfère l'envoyer par MoneyGram, parce que ça arrive rapidement. » Sur les 200 €, la société américaine de transfert d'argent prélève 8 €, taux de change compris.
Ce samedi, une dizaine de personnes font la queue devant le guichet de l'agence MoneyGram du boulevard Ornano (18e arrondissement), ouverte il y a un an. A quelques mètres, l'agence Western Union ne compte ce jour-là qu'un seul client. « Avant j'utilisais Western Union, mais maintenant je viens ici, c'est moins cher », affirme Irène, une Camerounaise. Pour envoyer 300 €, il en coûte 21 € chez Western Union, contre 15 € chez MoneyGram.
Outre les sociétés de transfert d'argent, les banques, qui attirent pour l'instant moins de 10 % des transferts, s'intéressent de plus en plus à ce secteur en pleine croissance. « Nous avons mis en place un système pour financer le rapatriement du corps du défunt vers son pays d'origine. C'était une demande très forte », témoigne Éric Bachelier, responsable du marché « Migrants » à la Société générale, implantée en Afrique de l'Ouest et au Maroc.
Western Union capte 46% des envois vers l'AFrique subsaharienne
Sur ce marché aux contours mal définis, l'informel canalise la moitié des transferts : l'argent est confié à un cousin, un ami, ou à des sociétés de transfert illégales. Mais les transactions formelles ne font qu'augmenter. Certains migrants choisissent ce type de transfert par défaut, parce qu'eux-mêmes ou leur destinataire ne possède pas de compte en banque.
En France, le leader mondial Western Union capte 23 % des transferts d'argent vers le Maroc et 46 % des envois vers l'Afrique subsaharienne. La société de transfert, qui compte 3 250 points d'accueil dans l'Hexagone grâce à un partenariat avec la Banque postale, est souvent le seul opérateur rapide à la disposition du migrant. Mais ce quasi-monopole risque d'être remis en cause.
MoneyGram, Money Express ou Ria grappillent des parts de marché en jouant sur les tarifs. « On est pour plus de concurrence, tant qu'elle est formelle », se réjouit Mathias Luft, directeur de Western Union pour la France. Parallèlement, des cartes de retrait, nommées Flouss (« argent ») ou DabaDaba (« maintenant-maintenant »), conçues pour éviter l'attente aux guichets, se multiplient. On remplit un compte sur Internet que les proches au Maroc débitent avec la carte de retrait.
"Rien ne vaut la bancarisation"
Pour Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI) et responsable de la Femip (Facilité euroméditerranéenne d'investissement et de partenariat), « rien ne vaut la bancarisation » qui fait baisser le coût des transferts. « Outre-Atlantique, les frais ont été réduits de moitié, grâce aux parts de marché prises par les banques. »
Et de citer le partenariat entre l'espagnole Santander et la marocaine Attijariwafa Bank. L'inscription de ces flux dans le système bancaire est un levier de modernisation des banques du Sud. Un moyen pour le migrant, par des investissements immobiliers ou des projets de microcrédit, de faire fructifier son épargne tout en contribuant au développement de son pays d'origine.

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